L’entrepreneur destinataire qui désire exécuter l’ensemble des travaux d’un projet qui regroupe plusieurs spécialités dont des spécialités assujetties au présent Code ne doit pas prendre possession des soumissions qui lui ont été adressées quant à la spécialité assujettie qu’il désire exécuter lui-même.
Sous réserve de l’Annexe IV, si ainsi il ne prend possession d’aucune soumission, il ne peut, par la suite, accorder un contrat à un autre entrepreneur quant à cette spécialité et doit exécuter lui-même les travaux.
S’il prend possession des soumissions qui lui ont été adressées, il est tenu d’accorder le contrat à l’un des soumissionnaires en se conformant aux dispositions du présent Code.
L’entrepreneur destinataire qui désire exécuter lui-même les travaux d’une spécialité, c’est-à-dire acheter lui-même les matériaux, fournir l’équipement et la main-d’œuvre, est tenu de refuser l’ensemble des soumissions qui lui sont adressées dans cette spécialité. Il ne peut, par la suite, décider d’accorder un contrat quant à cette spécialité.
Cela signifie notamment qu’un entrepreneur destinataire ne peut acheter les matériaux et engager à l’heure un entrepreneur spécialisé pour l’exécution des travaux. À l’inverse, l’acceptation d’une ou de plusieurs soumissions dans une spécialité impose à l’entrepreneur destinataire l’obligation d’accorder un contrat conformément aux règles du Code.
Le refus de prendre possession des soumissions selon l’article J-8 ne peut s’effectuer par un entrepreneur destinataire que lors de l’appel d’offres initial. En effet, s’il prend possession des soumissions pour confier les travaux en sous-traitance et demande un rappel d’offres qui est autorisé en vertu du chapitre I du Code, il ne peut, à ce stade du rappel d’offres, décider d’exécuter lui-même les travaux en refusant toutes les soumissions déposées lors de ce rappel d’offres.
L’Annexe IV du Code contient des applications particulières de la règle prévue à l’article J-8. Ces particularités concernent les spécialités Systèmes intérieurs et Isolation thermique (autre que sur couverture ou mécanique) quant à la sous-traitance de certains travaux et sur certains territoires d’assujettissement.
(Autres références : Voir article G-6 Refus de prendre possession d’une ou de plusieurs soumissions et l’Annexe IV Applications particulières de l’article J-8).
1. Association de la construction du Québec c. Sipalco inc., 2016 QCCQ 7533.
L’entrepreneur destinataire adjudicataire, Sipalco inc., a refusé de prendre possession des soumissions qui lui étaient destinées en prétendant être exempté des règles du Code de soumission puisque les documents de soumission ne permettaient pas aux soumissionnaires de présenter des soumissions comparables. Selon le tribunal, Sipalco n’a pas pris tous les moyens raisonnables, notamment ceux mis à sa disposition par le Code, préférant plutôt octroyer le contrat à un entrepreneur n’ayant pas passé par l’intermédiaire du BSDQ. Dans ce contexte, Sipalco était tenu de réaliser les travaux elle-même conformément à l’article J-8, puisque les documents permettaient effectivement la présentation de soumissions comparables, faisant en sorte que tous les critères de l’article B-2 du Code étaient rencontrés.
2. Association de la construction du Québec c. Tijaro ltée, 2006 QCCQ 4198.
La Cour a conclu à une contravention à l’article J-8 puisque l’entrepreneur destinataire, Tijaro ltée, n’a pas exécuté les travaux lui-même. Elle note que malgré la location de la main-d’œuvre par celui-ci, les salaires des ouvriers ont été versés par l’entrepreneur spécialisé en systèmes intérieurs et que ce dernier a été reconnu comme l’employeur (maître d’œuvre) par la CNESST lors d’un accident de travail en cours de projet.
3. Métal Laurentide Inc. c. Stellaire Construction Inc., 2004 CanLII 32389 (QC CA).
Stellaire Construction Inc. a refusé selon l’article J-8 de prendre possession des soumissions qui lui étaient destinées dans la spécialité métaux ouvrés. Elle a plutôt confié en sous-traitance une portion des travaux (celle à faire en usine) décrite à la section du devis relative à cette spécialité, à une entreprise qui n’a pas présenté d’offres au BSDQ. Elle réalise elle-même l’ensemble des travaux reliés à la fourniture et la pose des éléments métalliques sur le chantier, ce qui représentait environ 20% de la section de devis en question. En vertu de l'article J-8, elle se devait d’exécuter en entier les travaux mentionnés dans la spécialité des métaux ouvrés.
4. Association de la construction du Québec c. Consortium M.R. Canada ltée, 1999 CanLII 10659 (QC CQ), appel accueilli, Association de la construction du Québec c. Consortium M.R. Canada Ltée, 2002 CanLII 30329 (QC CA).
Consortium M.R. Canada ltée, entrepreneur destinataires adjudicataire, a conclu avec un entrepreneur en maçonnerie un contrat de location de main-d’œuvre et d’équipements en fonction d’un taux horaire par type d’employé (maçon ou manœuvre), alors qu’elle n’avait pris possession d’aucune soumission lui étant adressée par l’intermédiaire du BSDQ. Le président de l’entrepreneur en maçonnerie « déterminait le nombre d'employés qu'il affectait au chantier de [l’entrepreneur général], choisissait les personnes et se rendait sur le site des travaux régulièrement, au moins une fois par semaine, afin de vérifier si le travail était bien fait, d'examiner la qualité du travail et de discuter des problèmes d'exécution et des ajustements aux travaux effectués ». Ainsi, la Cour d’appel considère que le lien qui unissait les deux entreprises s’apparentait davantage à un contrat d’entreprise qu’à un contrat de simple location de personnel et d’équipement. Consortium M.R. Canada ltée a donc contrevenu à l’article J-8.
5. Association de la construction du Québec c. Consortium M.R. Canada Ltée, 2002 CanLII 25728 (QC CA).
Consortium M.R. Canada Ltée a refusé toutes les soumissions qui lui étaient destinées. Elle ne peut, par la suite conclure un contrat avec un entrepreneur spécialisé uniquement pour la main-d’œuvre et elle-même fournir les matériaux. Les documents d’appel d’offres spécifiaient que la réalisation des travaux incluait la fourniture des matériaux. Dans ce contexte, Consortium M.R. Canada Ltée ne pouvait pas morceler le contrat : elle devait retenir un soumissionnaire pour exécuter tous les travaux, incluant autant la main-d’œuvre que les matériaux, ou alors procéder elle-même pour l’entièreté.
6. Association de la construction du Québec c. Progère Construction Inc., 2002 CanLII 34032 (QC CQ).
Progère Construction inc. n’a pas pris possession des soumissions qui lui ont été adressées au BSDQ. Elle a loué de la main-d’œuvre à deux entrepreneurs en maçonnerie. Toutefois, elle a effectué directement l’achat de tous les matériaux nécessaires à la réalisation des travaux et avait un lien d’autorité direct et l’entier contrôle sur le personnel loué, qui se rapportait directement sur une base quotidienne à son surintendant de chantier qui supervisait les travaux. Elle demeurait responsable de l’exécution et de la qualité des travaux. Progère Construction inc. n’a donc pas contrevenu à l’article J-8.
7. Association Construction du Québec c. Constructions Berka inc., 1999 CanLII 10291 (C. Q.) 500-02-052237-968, 18 mars 1999.
Constructions Berka inc. a exécuté elle-même les travaux, alors qu’elle avait pris possession de trois soumissions dont l’une seule était conforme, a contrevenu au Code. En l’absence de rappel d’offres, Constructions Berka inc. était lié par les soumissions reçues lors de l’appel d’offres initial et ne pouvait exécuter elle-même les travaux.
8. Association de la construction du Québec c. N.P.S. construction inc., 1998 CanLII 11062 (QC CQ).
Bien que N.P.S. construction inc. s’étant prévalu de l’article J-8 ait embauché trois couvreurs à titre de salariés sur une base horaire, elle a procédé à l’achat des matériaux chez un fournisseur par l’entremise d’un entrepreneur spécialisé en couverture afin d’obtenir un escompte. Elle a également utilisé l’équipement de cet entrepreneur spécialisé à titre gracieux. Le tribunal précise au paragraphe 21 : « À cause de ces deux interventions de la part d'un entrepreneur en toiture, la Cour est d'avis que la défenderesse a obtenu une aide qu'elle n'avait pas le droit d'obtenir au sens de l'article J-8 du code et qu'elle ne réalisait pas elle-même les travaux de toiture. »